Acte 2

La Contrebassesaison 2024-2025

extraits de presse

La contrebasse, texte de Patrick Süskind, mise entre les mains du comédien Jean-Jacques Va
nier, c’est la drôlerie assurée. Ce ne sont pas ses mots, mais bel et bien son esprit : comique et sensible.
Ça pourrait être triste à pleurer. C’est à pisser de rire.

Midi Libre

La première chose qui saisit lorsque l’on assiste au spectacle, c’est ce sentiment que le texte a été écrit spécialement pour lui. Orchestré, avec la précision des grands chefs, par Gil Galliot, le comédien s’est approprié ce texte, le faisant vibrer, résonner dans une grande symphonie de sentiments qui nous a enchantés.

L’oeil d’Olivier

Très différente sans trahir l’esprit du texte, la manière dont Jean-Jacques Vanier donne corps au discours parfois pompeux de ce musicien qui règle ses comptes avec son existence et son métier, réjouit et demeure hilarante de bout en bout. On passe une soirée lumineuse.
La Provence

Un spectacle très original, un spectacle formidable.
C’est drôle, touchant, bouleversant. On en ressort enchantés, Jean-Jacques Vanier est excep- tionnel et bravo à la mise en scène de Gilles Galliot à la fois sobre et astucieuse.
Radio J

Jean-Jacques Vanier parvient à la fois à émouvoir et à amuser. Son interprétation allie humour, finesse et humanité. Avec lui, cette pièce intemporelle trouve une nouvelle résonance, touchant une nouvelle génération tout en saluant ses précédents maîtres.
Foud'Art

Jean-Jacques Vanier offre ici une véritable performance.
Un moment de théâtre jubilatoire.
Les boomeuses

Après Jacques Villeret et Clovis Cornillac, Jean-Jacques Vanier s’empare du texte et réussit ce que cherchait Patrick Süskind: nous faire rire avec ce monologue plutôt tragique.
Culture blog snes

Jean-Jacques Vanier et son metteur en scène Gil Galliot nous livrent une magistrale et passionnante version de cette pièce à part dans le répertoire contemporain.
De la cour au jardin

Jean-Jacques Vanier donne de ce personnage qui s’enfonce tout en prenant de l'épaisseur, une interprétation en force et en tension.
Arts-Chipels  



la pièce


Peu avant le succès mondial de son roman «Le Parfum», Patrick Süskind écrit cette pièce au rayonnement universel. Un musicien anonyme, contrebassiste dans un orchestre, attend la représentation, seul avec son instrument, ses rêves, sa mauvaise foi, ses frustrations artistiques et amoureuses, amplifiées par la pratique de la musique.

Chef d’œuvre d’humour grinçant, « La Contrebasse » est le portrait saisissant d’un être humain dans ses grandeurs et ses petitesses, aux prises avec la machinerie sociale ici représentée par la hiérarchie de l’orchestre, lié à son instrument par une intime relation faite d’amour et de haine.

C’est cette relation unique qui au travers de la musique, parvient à le relier au monde. Jean-Jacques Vanier donne à ce personnage toutes les émotions plurielles qui en constituent la profondeur et l’humanité.


extrait

Vous avez entendu, là...?
Ça va y être... Là !
Vous entendez ça ?
Là, maintenant, vous entendez ?
Ça va revenir une seconde fois, le même passage, attendez.
Là ! Là ! Vous entendez ? Les basses, les contrebasses...
C’est moi, enfin c’est nous. Mes collègues et moi, Orchestre National. La deuxième de Brahms. Impressionnant, hein ?

[Il relève le bras de la platine, la musique s’arrête.]

On était six. Effectif moyen, vitesse de croisière, au total on est huit. Des fois, on nous envoie du renfort et on se retrouve à dix. Même douze, ça s’est déjà vu. Alors là, j’aime autant vous dire que ça fait du bruit. Beaucoup de bruit, parce que douze contrebasses, si elles veulent vraiment s’y mettre, vous ne pouvez pas leur damer le pion, même avec l’orchestre au grand complet. Ne serait-ce qu’en décibels, les autres n’ont plus qu’à aller se rhabiller. Seulement, si on n’est pas là, rien ne va plus. Il y a déséquilibre. N’importe quel musicien un peu honnête vous le dira : un orchestre peut à la rigueur se passer de son chef, jamais de la contrebasse.

 



note du metteur en scène

Lorsque nous avons monté, il y a deux ans, avec Jean Jacques Vanier le texte COLERES, durant les répétitions, j’ai très vite, imaginé ce même acteur dans la Contrebasse de Patrick Süskind. En effet cette colère primaire qu’avait exprimée François Rollin dans ce puissant monologue, prenait une autre « couleur » avec Jean Jacques. Il émanait de son interpréta- tion et de son côté aérien, une candeur, une impuissance mâtinée de poésie qui faisait de ce texte brut une tragi-comédie pleine d’émotions. Je lui soumettais donc cette idée de monter La Contrebasse. En en discutant ensemble, nous avons très vite senti que ce texte nous permettrait de pousser encore plus loin le travail d’incarnation à partir de ce personnage, prisonnier de son instrument, et d’aborder ensemble ce seul en scène avec comme exigence le plaisir de la théâtralité.

Ce contrebassiste, musicien fonctionnaire, qui vit seul avec son instrument - dont il se fait une très haute idée de sa fonction au sein de l’orchestre – est un naufragé de l’existence. Cette contrebasse est à la fois son alliée et son ennemie. Elle a visiblement dévoré sa vie. Elle est bien plus qu’un instrument. Tour à tour femme aimée, mère, geôlière... Cette contrebasse est aussi un exutoire contre lequel l’homme déverse sa colère. Cet homme qui se confie au public dans une sorte de psychanalyse à « ciel ouvert » va petit à petit tout au long de son monologue (entrecoupé de grandes lampées de bière) changer de ton en nous faisant part de ses difficultés de la vie quotidienne, de son rapport avec la musique et les compositeurs de renom, de sa déception amoureuse ou de sa position de véritable « prolé- taire » de l’orchestre. En effet, s’il fait bien partie d’un Orchestre National, il n’en demeure pas moins qu’il y est remisé à un rang qu’il estime ne pas être le sien. Notre homme souffre d’une grande et très profonde solitude. D’une sorte de sentiment d’injustice aussi.

Pour jouer cet anti-héros gagné peu à peu par une douce folie...Cet artiste dans l’âme empêché d’être exceptionnel - comme l’est un premier violon ou un soliste...Ce timide qui n’osera jamais déclaré sa flamme à la jeune mezzo-soprano dont il est amoureux...Qui mieux aujourd’hui (après l’interprétation géniale de Jacques Villeret) que Jean Jacques Vanier pour porter avec délicatesse, humour et humanité, les frustrations et les rancœurs de ce person- nage dont la vie quotidienne restera toujours encombrée par cette imposante Contrebasse... En tout cas c’est mon sentiment profond.

Sur scène, évidemment une contrebasse qui trône comme un totem. Un tourne-disque et une pile de vinyles... Peut-être une collection d’étuis d’instrument vides recelant, certaines des bouteilles de bière, des accessoires ou même de la lumière. Quelques pupitres vides en laiton comme autant de squelettes d’un orchestre absent. Pour le son, les œuvres citées par le personnage : Mozart, Wagner, Brahms...et sûrement un travail de sound design ambiant pour accompagner cet huis-clos dans un appartement que le personnage a prudemment insonorisé.

Gil Galliot


de Patrick Süskind

mise en scène Gil Galliot

avec Jean-Jacques Vanier

traduction Bernard Lortholary
lumières Nicolas Priouzeau

production François Volard, Acte 2
avec le soutien de la Ville de Saint-Maurice
et la Guérétoise de Spectacle

Stage rights dy Diogenes Verlag AG Zurich
©Editions Fayard, 1986 pour la traduction en langue française
Galerie photos


Le Canard enchaîné 

Il dézingue Mozart mais encense Schubert. Il se targue de jouer du meilleur instrument de l’orchestre mais souffre de se fondre dans la masse. Être contrebassiste dans l’orchestre national, c’est une chance et une malédiction. Jean-Jacques Vanier s’est emparé de ce monologue signé Patrick Süskind, le fameux auteur du « Parfum ». Dans le texte original, le musicien a 35 ans. Ici, a près du double.

Véritable encyclopédie vivante, il est incollable sur l’histoire de la musique et celle de son instrument. Il a passé sa vie à étudier, à sentir, à méditer les compositions des grands créateurs. Il passe des disques vinyles, nous fait écouter les très rares morceaux où on peut distinguer le jeu de la contrebasse habituellement noyé dans l’ensemble musical.

Entre deux répliques il boit de la bière, dont le petit frigo de son appartement est rempli. A mesure que le musicien devient saoul, il laisse transparaitre sa paranoïa : il se sent observé, jugé; empêché par sa contrebasse. Celle-ci, tout en rondeurs féminines, fini par se substituer à la jeune chanteuse soprano dont il est secrètement amoureux. Et qui ne l’a jamais remarqué.

Dirigé par Gil Galliot, Vanier fait de ce naufragé un homme immensément humain. Dans un même souffle, il passe d’une vie érudite à une vanne trempée d’amertume, d’un rêve brisé à une grande déclaration d’amour, le regarde toujours un peu perdu.


Webtheatre

Elle trône au milieu du salon. Imposante, impériale, silencieuse. Il a beau l’invectiver, l’agonir de reproche, elle ne bouge pas. Il sait bien que de toutes façons, il la prendra dans ses bras ce soir. Nous assistons à une véritable scène de ménage, et nous sommes pris à témoin !

Il est musicien d’orchestre. Elle est sa contrebasse. Mais pourquoi joue-t-il de cet imposant instrument. Injuste, il lui met tout sur le dos. Pour draguer, une contrebasse ce n’est pas glamour ! Il est obligé d’avoir une voiture pour véhiculer Madame. En somme, elle est l’objet de toutes ses attentions, il se ruine pour elle.

Toute sa vie tourne autour de ce satellite. Tous les jours, il se livre à un corps à corps furieux avec elle, arrachant à la belle des plaintes, des cris ! A tel point qu’il a dû insonoriser à grand frais son appartement, afin d’éviter les protestations de ses voisins. Pour elle, tous les jours, il met son habit de soirée. Mais La contrebasse est un instrument exigeant et envahissant. De quarte en quarte, il doit l’apprivoiser, lui offrir un archet de luxe. Et elle, que fait-elle pour lui, l’ingrate ! On ne fantasme pas sur un contrebassiste. Tout est là, le musicien qui nous la présente comme une maîtresse exigeante, est tombé amoureux d’une cantatrice.

Comment faire pour attirer l’attention de la belle soprano ?.

Le contrebassiste nous présente son instrument comme le plus grand, le plus gros, le plus grave de l’orchestre. Il se cache derrière elle.

Après l’avoir encensée, le contrebassiste règle ses comptes avec cette ingrate, à qui il a consacré sa vie !

Le musicien malheureux trouve un exutoire dans ce monologue à la fois furieux, tendre et parfois désespéré. C’est le solo d’un homme solitaire. La contrebasse appartient à la famille des instruments à cordes frottées. Il faut du doigté pour magnifier les octaves, donner des pizzicati. Le chant grave de la contrebasse est celui d’un homme qui se replie dans son appartement, seul face à son instrument et devant quelques bières. Constat d’une vie qui ne se réalise pas. Il est mal à l’aise avec son statut de fonctionnaire et dans la hiérarchie de l’orchestre. Quoi qu’il en dise il aime cette belle aux formes imposantes, il lui reproche qu’on ne reconnaisse pas son talent, que les compositeurs ne pensent pas assez à elle. Pourtant avec quel lyrisme il parle de Schubert ! Avec quelle passion, il parle des difficultés d’exécution !

La contrebasse de Patrick Süskind, fut créée en France par Jacques Villeret, avec son allure de petit ours rondouillard à la tendresse fracassée, il reste dans toutes les mémoires. Mais au théâtre pour que vivent les textes il faut qu’ils soient joués afin d’explorer d’autres...partitions. Jean-Jacques Vanier avec son air de clown triste, et son sourire d’une tendresse infinie nous fait redécouvrir ce texte. Il crée un musicien frustré, un Paillasse éperdu d’amour contrarié. Tendrement drôle, sa prestation est pleine de poésie.


Culture Top
Le texte nous propose un festival de réflexions sur l’artiste, sur tout ce qui le concerne personnellement, sur la musique classique, sur la vie et ses jugements à l’emporte-pièce sont assez délirants. Avec cependant beaucoup de justesse, le comédien établit un parallèle entre la hiérarchisation d’un orchestre et celle de la société actuelle, avec ses codes et ses principes : ainsi, le chef d’orchestre ne serre-t-il la main que du premier violon, ce qui en dit long sur l’ignorance dans laquelle il tient les autres. Notre contrebassiste est d’ailleurs très vexé d’être relégué tout au fond de la fosse, derrière les violons, les flûtes traversières, et de se retrouver à côté des percussions. Être un anonyme ne lui plait guère ! 
Il est très amusant de constater qu’au départ cette contrebasse, énorme au demeurant, est l’objet du plus grand respect et d’un infini amour de la part du musicien et qu’au fur et a mesure de la pièce, l’instrument est voué aux gémonies, exécré, vilipendé à l’extrême. Les travers dénoncés par le musicien avec énergie sont assenés avec un tel accent de vérité, une telle honnêteté que cela en devient touchant, humain. On comprend sa tristesse d’être toujours caché quand d’autres sont dans la lumière. Un grand moment à signaler, lorsque le contrebassiste évoque cette manie normalisée de consulter un psychiatre, sachant que, d’après lui, la psychanalyse soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Et de nous poser la question : « Vous imaginez Wagner chez un psychiatre ?»….
Jean-Jacques Vannier - qui s’était fait connaître sur France Inter chez Laurent Ruquier (dans l’émission-culteRien à cirer) puis avec son seul en scène L’envol du Pingouin -  est épatant. Il parcourt la pièce avec toute sa fougue, sa sincérité, ses rancoeurs et sa mauvaise foi, et remplace dignement son prédécesseur, le lunaire et regretté Jacques Villeret.

Rien ici ne démérite !
Ces réflexions tous azimuts sur des sujets personnels - c’est un homme bien seul qui aimerait qu’on le prenne un peu en considération – sont énoncées avec calme puis avec colère, et suscitent une grande tendresse envers l’interprète. De plus, l’on apprend beaucoup de belles anecdotes concernant la musique et les musiciens, le tout rapporté avec drôlerie et humour. On passe un excellent moment.

Fou d'art

Le monde théâtral rencontre rarement une œuvre comme "La Contrebasse", défiant le temps et les interprétations. Acclamée pour son humour tranchant, la pièce de Patrick Süskind, autrefois brillamment incarnée par Jacques Villeret, trouve aujourd'hui en Jean-Jacques Vanier son nouveau visage. C'est un joyau du théâtre populaire contemporain, mêlant noirceur, douleur et un humour saillant tout en restant accessible.

Jean-Jacques Vanier, seul en scène avec sa contrebasse, l'aborde avec une combinaison de sensualité et de répulsion. Ce personnage tourmenté nous plonge dans ses mélancolies, passions, colères, rêveries et ivresses.

Il dévoile progressivement, au fil de son monologue, la relation tumultueuse qu'il entretient avec son instrument, explorant ses dilemmes existentiels, sa perception de la musique, sa déception amoureuse, et son rôle de "prolétaire" de l'orchestre.Pour le metteur en scène, Gil Galliot, le personnage est "un naufragé de l'existence". La contrebasse devient tour à tour son phare, son refuge, mais aussi son fardeau. Elle symbolise ses émois, ses tourments et ses aspirations, oscillant entre être son amour, sa gardienne et sa captivité. C'est cette complexité qui sublime la pièce.

Galliot loue également le talent singulier de Vanier à incarner ce rôle complexe, faisant ressentir une gamme d'émotions diverses. Jean-Jacques Vanier, avec son humour aiguisé, parvient à la fois à émouvoir et à amuser. Son interprétation allie humour, finesse et humanité.

Plus qu'un simple musicien frustré, "La Contrebasse" dresse un portrait vivant d'une âme en quête, cherchant refuge dans la musique. C'est une introspection de la condition humaine, des relations que l'on noue et du pouvoir salvateur et destructeur de la musique.

"La Contrebasse" est une réflexion profonde sur nos aspirations, nos angoisses et nos insatisfactions, traitant de l'amour, de la haine, de la passion et du sacrifice. Avec Jean-Jacques Vanier, cette pièce intemporelle trouve une nouvelle résonance, touchant une nouvelle génération tout en saluant ses précédents maîtres.

 

Les Boomeuses

Vous avez sans doute, comme plus de vingt millions de lecteurs découvert l’écrivain allemand Patrick Süskind avec son premier roman Le Parfum, publié en 1986. Auteur rare, dans tous les sens du terme, il écrivit une unique pièce, La Contrebasse, créée en France par Jacques Villeret en 1991, puis reprise en 2015 par Clovis Cornillac.

Place aujourd’hui à l’extraordinaire et également trop rare

Jean-Jacques Vanier, que l’on retrouve avec un plaisir infini sur la scène du Lucernaire face à l’imposant instrument, dans ce superbe texte, grinçant, émouvant et hilarant.

Nul besoin d’être mélomane pour être touché par La Contrebasse, même si les fans de musique classique s’esclafferont sur les saillies à l’encontre de Wagner et Mozart, qui en prennent ici pour leur grade. L’instrument – et la musique – reste un prétexte, accessoire parabole de toutes les frustrations d’une vie. Celle de ce musicien membre de « L’orchestre national », dont la relation avec son embarrassant instrument exprime toutes les souffrances d’une existence aigrie, emplie de solitude. Qu’il noie, sous prétexte de « déshydratation », à coups de canettes de bière, dont son frigo est rempli.

La Contrebasse, un texte grinçant, émouvant et hilarant

Jean-Jacques Vanier offre ici une véritable performance, bouleversante et burlesque, profondément humaine, dans une parfaite mise en scène de Gil Galliot.

Au sein de son petit salon suranné – et insonorisé – où trône l’instrument, le comédien installe son monologue entre bières sifflées dans son vieux fauteuil, démonstration de sa technique musicale à l’archet et écoutes sur un antique tourne-disques de ses vinyles de prédilection (Mendelssohn, ou encore le quintette La Truite, de Schubert, l’oeuvre qu’il rêve d’interpréter) et de ceux des compositeurs qu’il méprise, dont les pochettes parsèment la scène.

Allégorie de la solitude face au collectif, incarné par l’orchestre symphonique et sa hiérarchie entre stars (le chef, le premier violon...) et «petites mains», ce « fonctionnaire » de la musique pourrait tout aussi bien être un modeste employé de bureau, méprisé par ses pairs.

Jean-Jacques Vanier apporte toute sa folie au personnage, magnifiant ses fantasmes amoureux avec une jeune soprano, alternant moments d’intense comique, de délires et de cruauté.

Ici, contrairement à l’adage, la musique n’adoucit pas les mœurs. Mais elle nous offre un moment de théâtre jubilatoire.


Arts Chipels

Première œuvre – et seule connue – de Patrick Süskind pour le théâtre, la Contrebasse, depuis l'interprétation de Jacques Villeret, fascine les humoristes pour son humour acide aux grincements jouissifs. Jean-Jacques Vannier s’empare à bras-le-corps de l’instrument et de la triste histoire de son propriétaire.

Patrick Süskind est un écrivain rare et secret. On ne connaît de lui que peu d’ouvrages dont deux romans, ultérieurs à la Contrebasse : le Parfum, qui narre l’histoire d’un enfant de rien, fils de poissonnière qui devient meurtrier pour s’emparer du parfum de très jeunes filles et en faire son grand œuvre, et le Pigeon, qui met en scène un bientôt retraité qui n’ose plus sortir de chez lui parce qu’un pigeon a élu domicile devant sa porte et qui voit sa vie bouleversée par cet événement anodin. À chaque fois de petites gens, pas de ceux qui font les gros titres des journaux, et une banalité dans laquelle se tapit l’anormal et l’excès. La Contrebasse, écrite en 1981, ne fait pas exception. Dans la solitude de sa chambre, un musicien de l’Orchestre national, obscur contrebassiste de troisième rang, déverse, au fil d’un stock inépuisable de bières qui remplissent le frigo, sa médiocrité, sa bile et ses rêves inatteignables.

Variation musicale pour instrument mineur

L’homme sans nom, ce « Quelqu’un » indifférencié qui s’adresse frontalement au public dans un décor banal parsemé de partitions musicales qui jonchent le sol, est contrebassiste. Un musicien d’orchestre de second plan qui se demande même si choisir de ne jouer qu’une partie de la partition lors d'un concert s’entendrait. Une insignifiance pour un instrument mineur qui sert juste de faire-valoir, de basse et de base aux variations et ornementations des autres. Il énumère, entre deux gorgeons, les mille et une petites vexations quotidiennes qui le touchent à l’ego. Il est le fond de scène, celui qu’on ne salue pas, la dernière roue d’un carrosse qui brille sans lui. Un fonctionnaire qui a remisé l’amour de l’art au profit du vide d'une existence sans ambition et sans histoire. Il distille son venin avec une ostentation aussi gourmande que revancharde, revendique sa médiocrité avec une obstination vengeresse. Il la balance à la figure du public, la caresse avec ivresse, fait de son ressentiment l’aliment d’un désespoir tout à la fois dérisoire et tragique.

Règlements de comptes musicaux

Il en veut à la terre entière. Après le chef d’orchestre, il s’attaque aux compositeurs pour leur régler leur compte. Si Schubert et sa Truite trouvent grâce à ses yeux et gambadent joyeusement dans le courant d’une onde pure, il n’en va pas de même pour Beethoven, le casseur de pianos qui n’a jamais rien compris. Comme des paquets de mer déferlant sur les paquets de notes de certains de ceux qu’il stigmatise, il déverse une acrimonie qui n’épargne pas Mozart et la musique allemande. Wagner concentre ses attaques. Elles porteront aussi bien sur les partitions du compositeur, écrites en dépit des possibilités de l’instrument, que sur l’homme à femmes – avec lequel notre Quelqu’un qui n’est personne ne peut rivaliser, tout obscur qu’il est – ou sur le musicien d'élection du gouvernement nazi que les chefs d'orchestre, de Furtwängler à Karajan ou à Böhm, ne bouderont pas. Son ressentiment, il le décharge à travers un décryptage musical empreint de réflexion et de finesse.

Une galaxie amoureuse du féminin

Son instrument, le contrebassiste en détaille les constituants, en décrit les spécificités, en raconte l’histoire, en analyse les possibilités harmoniques et le registre, du grave à l’aigu. Il en dépeint l’anatomie. Parce qu’enfin, la contrebasse, c’est la femme qu’il n’a pas et dont il rêve, les rondeurs de la mère avec laquelle l'inceste est possible, le substitut amoureux de la soprano sur laquelle il fait une fixette et pour laquelle il n’est qu’invisibilité. Commencé sur le mode du désabusement et de la râlerie, le monologue du contrebassiste aborde progressivement aux rives d’une psychanalyse de comptoir, explicitée comme telle, avant de s’ouvrir sur le gouffre dans lequel s’abîme le ratage amoureux du protagoniste. Une vision de l'échec où se mêlent la haine et l'amour, et où le rapport du musicien à la contrebasse devient la métaphore de son aventure de vie. On rejoint ici le Süskind aux personnages empêchés que l’auteur affectionne, incompris, isolés, qui tournent autour de leur inexistence.

Jean-Jacques Vannier, en musicien vindicatif qui en veut à tous pour ne pas s'en vouloir à lui-même, donne de ce personnage qui s’enfonce tout en prenant de l'épaisseur une interprétation en force et en tension, comme pour conjurer la tragédie masquée derrière la véhémence. On aurait préféré cependant un jeu plus nuancé, plus complexe, et des ruptures de ton plus marquées pour traduire l’humeur en sautes de vent du personnage. Mais la gageure est difficile car le seul en scène dure près d'une heure et demie et il faut un temps pour que le texte trouve sa pleine résonnance chez le comédien. Gageons que son appropriation progressive au fil des représentations permettra à l'acteur de faire davantage percevoir, dans cette alternance entre comédie et drame, les fissures qui s'ouvrent aux pieds du personnage. Et qui forment comme un écho à l'aventure de l’humanité tout entière.


De la cour au jardin

Grave !

Grave, comme elle trône sur le plateau de la salle rouge du Lucernaire, cette magnifique contrebasse trois quarts !

Rarement, dans une pièce de théâtre, un objet, en l’occurrence ici cet imposant instrument de musique, rarement un objet tient avec autant de profondeur dramaturgique le rôle principal.

Car ne nous y trompons pas, Patrick Süskind sait bien ce qu’il fait, en 1981, en n’intitulant pas sa pièce « le contrebassiste ».

La contrebasse, cet instrument très particulier, énorme, grave, très grave, le plus grave de l’orchestre, que l’on prend dans ses bras et dont les vibrations et les sonorités sensuelles se transmettent à tout votre corps...
Surnommée « la grand-mère », au risque de vous espanter...

La contrebasse, cet instrument très difficile à jouer, (je vous parle en connaissance de cause...), lourd, que l’on doit difficilement transporter, et qu’on ne peut au passage embarquer avec soi dans les trains de la SNCF, sous peine d’amende...

C’est bien cette ambivalence qui permet au futur auteur du célèbre roman Le parfum de bâtir cette confrontation entre un homme et son instrument, à la fois de musique et de travail.

Car oui, nous allons assister à une véritable joute affective entre ces deux-là.

Ce contrebassiste professionnel, ce soutier de l’orchestre national, ce musicien torturé psychologiquement, casanier, solitaire, ce fonctionnaire, comme il se définit lui-même, va se raconter, va nous raconter sa vie par le prisme de son rapport conflictuel avec son outil de travail.

Il nous la présente, dans un premier temps, cette belle trois-quarts, nous détaille son fonctionnement, son histoire, son statut particulier dans l’orchestre.

Rapidement, très rapidement, même, il nous évoquera toujours grâce à elle ses rêves, ses rancœurs, son amour fantasmé pour une certaine Sarah, mezzo-soprano de son état, sans oublier ses préférences et ses détestations en matière de compositeurs classiques.

En s’emparant à bras le corps de la pièce et de cet objet quasi transitionnel, Jean-Jacques Vannier et son metteur en scène Gil Galliot nous livrent une magistrale et passionnante version de cette pièce à part dans le répertoire contemporain.

Nous sommes évidemment beaucoup à avoir en mémoire la prestation de Jacques Villeret dans sa création en 1998 au Théâtre Marigny.

Jean-Jacques Vannier et son metteur en scène nous offrent une toute autre lecture, différente, bien entendu, mais tout aussi remarquable et inspirée. (Je rappelle que les deux se connaissent bien pour avoir déjà travaillé ensemble, notamment en 2019 pour la pièce de François Rollin, Colères.)

Il campe un type complètement exalté avec beaucoup de force, de justesse et de finesse.
D’autant que cet homme semble être sponsorisé par une célèbre marque de... (Je vous laisse découvrir comme j’ai pu découvrir moi-même son addiction par le biais d’une scène très drôle, dont l’impact visuel se suffit à lui-même).

Au cours de cette presque une heure et demie de spectacle, Jean-Claude Vannier va pourvoir son personnage d’une incroyable humanité.

Cet homme, finalement, nous dit son mal de vivre, son mal d’être.

Avec l’humour et la vis comica qu’on lui connaît (ses chutes à certaines répliques sont magnifiques... Son « Mais bon... » sur un runing-gag est grandiose, je n’en dis pas plus...), avec également une grande délicatesse, et parfois en drapant subtilement son personnage d’une sorte de folie à la fois intérieure et extérieure, le comédien nous fait rire, certes, mais il nous émeut beaucoup.

Durant tout le spectacle, il est sur une sorte de « fil » raide (non, je n’ai pas écrit le mot interdit...), qui fait que nous percevons parfaitement la pathétique condition humaine du personnage. Pathétique au sens premier du terme.

Au fond, cet homme sur scène pourrait être chacun d’entre nous, confronté à une existence plus ou moins triste, solitaire et sans joie.

Messieurs Galliot et Vannier ont procédé à quelques coupes dans le texte, notamment dans le long passage qui concerne l’histoire de cet instrument de musique.
Ceci ne nuit en rien à la force de la pièce. Bien au contraire.

En revanche, et le parti-pris est très réussi, des ajouts contemporains ont vu le jour, ce qui procure des rires dans le public qui reconnaît par exemple très bien cette pharmacienne qui occupe des fonctions très importantes. (Et là encore, je n’irai pas plus loin. A vous de découvrir...)

Il faut noter que le comédien tient très bien son archet, notamment en tirant sa corde de mi...

Jean-Jacques Vannier sera très applaudi, les spectateurs étant parfaitement conscients d’avoir assisé à un formidable moment de théâtre.

Vous savez ce qu’il vous reste à faire : direction toutes affaires cessantes le Lucernaire !


Le bon plan parisien

Jean-Jacques Vanier incarne un musicien à plusieurs cordes éméchées revisitant l’œuvre de Patrick Süskind, La contrebasse.

« J’ai le plaisir de changer onze fois de position de main. C’est même pas du sport, c’est de la musculation. Et sur toutes les cordes, il vous faut appuyer comme un dingue, regardez mes doigts. »

Ce monologue est une partition névrosée d’un contrebassiste écartelé entre la passion et la haine de son instrument. Tantôt magnifié, imposant et encombrant, il y épouse le corps sensuel d’une femme avec laquelle il s’enchevêtre... tantôt ignoré, il ne se remarque pas au milieu d’un Chef d’orchestre et de ses violonistes.

Ce contrebassiste à la fois touchant et cocasse fait vibrer la symphonie des émotions d’un musicien pathétique, volcanique et bouleversant.

Jean-Jacques Vanier interprète brillamment la pléthore d’interrogations et de réflexions intimes qui se fustigent dans cette maïeutique exutoire sociale âpre et émouvante.

La pièce reste d’une drôlerie sensible grinçante et sublime décrivant avec le bon ton éloquent ce rapport avec l’instrument qui déploie avec ferveur ses états d’âme de façon dithyrambique.

SNES FSU

Après Jacques Villeret et Clovis Cornillac, Jean-Jacques Vanier s’empare du texte tragi-comique de Patrick Süskind. Un contrebassiste fait un éloge dithyrambique de la contrebasse qu’il juge comme l’instrument central de l’orchestre car le plus grave. C’est la contrebasse qui va magnifier les autres instruments et la voix de la chanteuse. Mais dans la phrase suivante, et toujours avec la même emphase, le musicien se met à vomir cet instrument si encombrant qu’il dévore celui qui en joue. Tour à tour alliée et ennemie, elle est l’exutoire qui lui permet de déverser sa colère et ses frustrations artistiques et amoureuses. Démarrant par des explications sur son instrument, il va, aidé par les nombreuses bières qu’il sort d’un frigo qui en déborde, passer rapidement et avec une parfaite mauvaise foi à des jugements décisifs sur les musiciens, « Mozart très surfait », « Wagner même pas instrumentiste », et parler de sa déception amoureuse. La soprano qu’il aime ne le remarque même pas, derrière cet instrument qui le masque, et lui préfère sûrement un musicien plus en vue et plus riche.

Jean-Jacques Vanier, dont on a souvent admiré les qualités d’humoriste, réussit ce que cherchait Patrick Süskind : nous faire rire avec ce monologue plutôt tragique. Il est ce musicien frustré et en colère, que son instrument condamne à être un prolétaire de l’orchestre, moins reconnu que le cymbaliste qui, lui au moins, a le statut de soliste. Emporté par la colère, le comédien exhale les rancœurs du musicien mais fait aussi sentir la solitude de cet homme qui n’a que son instrument à qui se confier. Il l’aime et il la hait, cette contrebasse qui brille sur la scène comme indifférente aux sentiments qu’elle a provoqués.

Midi Libre

La contrebasse, texte de Patrick Süskind, mise entre les mains du comédien Jean-Jacques Vanier, c’est la drôlerie assurée. Ce ne sont pas ses mots, mais bel et bien son esprit : comique et sensible. Le pitch : un musicien d’orchestre aime son instrument autant qu’il le déteste. « On dirait une bonne grosse femme », s’énerve-t-il en montrant sa contrebasse, lui qui fantasme sur une belle soprano. Le musicien noie sa tristesse dans la bière. Ça pourrait être triste à pleurer. C’est à pisser de rire.


L'Œil d'Olivier

Ce monologue tragique et drôle du romancier Patrick Süskind, se joue dans le monde entier de puis plus le début des années 1980. Après Jacques Villeret et Clovis Cornillac, c’est au tour de Jean-Jacques Vanier de s’emparer de ce texte génial.

La première chose qui saisit lorsque l’on assiste au spectacle, c’est ce sentiment que le texte a été écrit spécialement pour lui. C’est d’ailleurs pour cette raison que le metteur en scène Gil Galliot a été le chercher ! C’est une évidence et tous ceux qui connaissent l’univers de l’artiste, si bien exprimé dans À part ça la vie est belle et L’envol du pingouin, ne vont pas nous contredire.

Il faut l’entendre nous expliquer pourquoi il ne faut jamais minimiser l’importance de la contrebasse dans la musique classique. Après cet éloge pompeux et grandiloquent, il va nous expliquer tout son contraire. Derrière les frustrations et les rancœurs du musicien, on aperçoit celles d’un homme timide et solitaire qui n’a jamais su trouver sa place dans la société. Orchestré, avec la précision des grands chefs, par Gil Galliot, le comédien s’est approprié ce texte, le faisant vibrer, résonner dans une grande symphonie de sentiments qui nous a enchantés.

Radio J

Un spectacle très original, un spectacle formidable, et interprété par Jean-Jacques Vanier.
Merveilleusement interprété, et mis en scène par Gilles Galliot. 
C’est l’histoire d’un contrebassiste anonyme dans un orchestre, il a des relations passionnelles avec sa contrebasse qui finit par revêtir à nos yeux une apparence humaine et transforme ce seul en scène en un duo. Cette contrebasse c’est à la fois sa mère, sa femme, son amie, son ennemie. Il se met en colère contre elle, il la déteste, il l’adore.

C’est drôle, touchant, bouleversant. On en ressort enchantés, Jean-Jacques Vanier est exceptionnel et bravo à la mise en scène de Gilles Galliot à la fois sobre et astucieuse.


La Gazette

Une pièce à l’écriture finement ciselée signée du célèbre Patrick Süskind. Interprétée avec brio par Jean-Jacques Vanier, elle voit le comédien habiller la tristesse de son personnage d’un costume humoristique sur mesure.

Connu principalement pour Le Parfum, oeuvre de référence, Patrick Süskind a écrit La contrebasse il y a une quarantaine d’années désormais. La pièce est jouée pour la première fois sur les planches d’un théâtre par le non moins talentueux Jacques Villeret en 1991. Reprise par Gil Galliot, auteur de cette nouvelle mise en scène, la pièce connaît depuis sa création au Festival d’Avignon en 2022, un succès exceptionnel. Jean-Jacques Vanier y interprète le personnage principal, entre grandeur et petitesse de l’être humain.

Abysse frustration

Ce personnage, un contrebassiste vit un véritable sentiment d’injustice. Lui qui n’a pour seule compagnie que son instrument musical de prédilection, rencontre soudain l’amour. Un coup de foudre pour a nouvelle soprano de l’opéra dans lequel il se produit. Mais alors que le musicien s’avère déjà jaloux de ses collègues, il va rencontrer de nouvelles frustrations car il joue dans l’ombre de la fosse tandis que le sujet de ses sentiments joue sous la lumière de la scène. « Ce sentiment d’injustice, nous l’avons tous vécu à des degrés, des moments divers et dans des circonstances différentes, mais nous y avons été confrontés, c’est ce qui rend ce personnage si attachant malgré ses colères et son caractère si particulier » confie Jean-Jacques Vanier. De ce registre qui va des larmes au rire, le comédien fait pencher la balance vers le second, emportant le public dans des envolées hilares malgré la situation. « On est malheureux pour ce bonhomme qui est touchant, sincère, vrai dans ses exagérations. Mais c’est précisément ce caractère excessif, celui qui le fait détester jusqu’à Mozart, qui nous fait beaucoup rire », s’amuse le comédien. Une pièce tout public à découvrir jusqu’à dimanche soir au Théâtre des Muses, étape d’une tournée qui le mènera dans de nombreuses autres villes, notamment Paris à la rentrée.

La Provence

« En quarante ans de carrière, c’est la première fois que je joue à Aix-en-Provence… et vous savez quoi ? J’en suis très heureux ». Applaudissements nourris. Jean-Jacques Vanier salue alors humblement au terme d’une prestation dense, qui lui a valu admiration et engouement du public. Dans un Jeu de Paume copieusement garni, il a ouvert de la manière la plus festive et la plus déjantée cette semaine des journées de l’Eloquence, organisées par l’atelier de la langue française.

Très investie dans cette manifestation, Sophie Joissains, maire de la ville, a redit en préambule invitée en cela par Jérémie. Cornu, le directeur général de cette nouvelle édition consacrée à l’éloquence et la musique, combien « la parole est un don qu’il convient de cultiver ». Et elle ne fut pas déçue par ce qu’elle a elle-même entendu, Jean-Jacques Vanier offrant de La contrebasse de Patrick Süskind une ode à la joie plus consacrée d’ailleurs à Brahms, Mozart, Wagner, Schubert que Beethoven. Seul en scène mais semblant un orchestre à lui tout seul, le comédien se démultipliant, va au-delà du jeu puisqu’il incarne ce musicien fantasque à la fois amoureux fou de sa contrebasse et haïssant son instrument trônant sur la scène en diva. « De l’amour à la haine il y a ma contrebasse…. L’instrument n’est pas précisément maniable. Une contrebasse, c’est plutôt, comment dire, un embarras qu’un instrument. Vous ne pouvez guère la porter, il faut la traîner, et si vous la faites tomber, elle est cassée ». Dans un appartement, elle se trouve sans cesse sur votre chemin. Elle est plantée là…avec un air si bête, vous voyez… mais pas comme un piano. Un piano, vous pouvez le fermer et le laisse là où il est. Elle, non. Elle est toujours plantée là… tout est de sa faute, je l’aime tellement », confie le personnage qui se dit d’un naturel modeste. De ce monologue tragique et burlesque, on connaît les versions données par Jacques Villeret en 1991 et par Clovis Cornillac en 2014 au Théâtre de Paris, rue Blanche dans une mise en scène signée Daniel Benoin.

Un homme plein d’humanité

Très différente sans trahir l’esprit du texte, la manière dont Jean-Jacques Vanier donne corps au discours parfois pompeux de ce musicien qui règle ses comptes avec son existence et son métier, réjouit et demeure hilarante de bout en bout. Ressort de cette lecture de La contrebasse le côté très ivrogne du narrateur. C’est vers les chemins tortueux de qui en fait « sa » psychanalyse que nous entraîne Jean-Jacques Vanier. « Dans l’orchestre, il n’y a pas d’espoir. Il y règne l’implacable hiérarchie des capacités, l’horrible hiérarchie des talents », confie cet homme quasiment au bout du rouleau, qui se penche sur son passé comme sur son avenir avec angoisse et colère.

Ayant effectué avec son metteur en scène Gilles Galliot, bon nombre de coupures utiles, notamment sur l’histoire, La contrebasse prenant souvent par instants des airs de leçon inaugurale du Collège de France sur les arcanes de la musique, le comédien fait respirer aussi les silences. Du muscle pas de gras, nous voilà projetés avec le sourire dans l’expression d’un homme au final plein d’humanité.

On rit aussi beaucoup des assertions faites de Süskind sur Karajan et Wagner, compositeur dons la direction de L’or du Rhin n’est plus confiée dans cette version 2023 au chef d’orchestre Guilini mort en 2005, mais à Ricardo Muri, connu pour être un spécialiste de Verdi. Un passage aussi a été déplacé offrant une structure plus souple. Et sur un décor et des lumières très riches, on passe une soirée lumineuse. 

 

 


en tournée du 1er mars au 31 mai 2025
La Contrebasse