Cocteau-Marais2010 - 2011
Après son triomphe et le Molière du meilleur acteur qui lui avait été attribué pour « Du côté de chez Proust », Jacques Sereys, après Jean Marais, va personnifier Jean Cocteau.
L’adaptation due à Jean Marais et Jean-Luc Tardieu va être en effet créée à la Comédie Française, au Studio, en septembre prochain.
Lorsque l’on connaît la désinvolture brillante, l’esprit et l’élégance de Jacques Sereys, l’identification au personnage de Jean Cocteau s’avère évidente.
Unis par les jardins du Palais Royal où habitait Cocteau, l’esprit de l’un rejoint le talent de l’autre et le Sociétaire devient le poète sans nulle transition nécessaire.
Cocteau-Marais
Par Pierre Notte, secrétaire général de la Comédie-Française
J’étais le véhicule d’une force qui veut vivre à ma place. Qu’elle vive ! Elle verra ce que c’est. Cocteau
Jean Cocteau, Jean Marais.
Fin des années quatre-vingt-dix, dans le Sud, à Vallauris où il s’est installé, Jean Marais raccompagne un ami metteur en scène, Jean-Luc Tardieu, au pas de la porte. Celui-ci s’inquiète : « Tu n’as pas peur de l’ennui ? ». Jean Marais rit : « L’ennui ? Tu es fou ! J’attends ma mort avec une extrême curiosité ! ». En 1983, complices, Tardieu et Marais avaient composé un tableau théâtral singulier, hommage intime au poète Cocteau, maître et amour de Marais. Sous le titre Cocteau-Marais, l’acteur, à 69 ans, offrait un voyage parmi les mystères de la vie foisonnante du démiurge, touche-à-tout de génie. Marais signait le décor et supervisait le collage des textes, aphorismes assemblés en un monologue biographique, tissé de près de quatre-vingts sources : romans, théâtre, films, journaux inédits ou correspondances particulières. Cocteau-Marais, par la voix du Michel des Enfants terribles ou du prince et monstre de La Belle et la Bête, évoquait tous les visages de Cocteau ; l’enfant au père suicidé, l’adolescent engagé dans une guerre qui ne veut pas de lui, l’inconsolable veuf de Radiguet, le mondain lucide, le douloureux fumeur d’opium, l’artiste provocateur, casseur et passeur de miroirs, exposé à tous les risques d’une création éclatée et sans cesse novatrice…
Jacques Sereys
Bricoleur, confectionneur de coussins, de meubles, peintre, imitateur, amoureux des plantes et des animaux, et sociétaire honoraire de la Comédie-Française, Jacques Sereys reprend la place et le texte de Marais. Il se souvient d’avoir croisé dans les années cinquante le poète Cocteau, « une élégance rare, discrète, raconte-t-il. Il était entouré des mystères qu’il n’a jamais cessé de cultiver, d’explorer. » Comme Jean Marais, mais à d’autres périodes, Jacques Sereys fréquente la Maison de Molière à plusieurs reprises, y passe trente ans jusqu’en 1997 par intermittence. Il traverse aujourd’hui les miroirs de Cocteau, évocation libre et limpide des paradoxes du poète. « Il est pourtant très loin de moi, dit-il, cet homme qui a fouillé toutes les formes de l’art, et lutté toute sa vie pour comprendre en vain le mystère de la mort. »
Jean-Luc Tardieu
Quand Sereys voit et admire Edwige Feuillère, seule en scène, il éprouve le désir d’un risque indécent : jouer seul et pourquoi pas Proust. Il rencontre alors le metteur en scène Jean-Luc Tardieu, crée Du côté de chez Proust, et rafle le Molière du comédien. Il recommencera l’expérience au festival d’Avignon Off, à 78 ans, avec Daudet dont il interprète seul les contes, sous l’oeil délicat du même complice. Jean-Luc Tardieu a dirigé Edwige Feuillère, Jean Marais, Georges Wilson, Michel Blanc, Michel Sardou, mais aussi la Maison de la Culture de la Loire-Atlantique de Nantes ou plusieurs cérémonies des Molières. Il se rappelle le voeu cher de Jean Marais : « Il faudra que ce texte vive, hors de moi. Tu n’auras qu’à retirer mon nom… ». En 2008, le déclic, tardif, est imparable. Jacques Sereys, mieux que personne, reprendra la voix de Cocteau-Marais, et avec elle, le périple dans un siècle et une existence troubles, tous deux « souffrants, saignants », parsemés de fantômes et d’effrois, de joies et de deuils, d’amours, de haines, et d’épreuves qui n’entamèrent jamais pourtant une aptitude inouïe à l’émerveillement.
Pierre Notte, juin 2009
Cocteau-Marais
Conception et réalisation de Jean Marais et Jean-Luc Tardieu
D’après l’œuvre de Jean Cocteau
mise en scène de Jean-Luc Tardieu
Avec
Jacques Sereys, Sociétaire honoraire de la Comédie-Française
Décor de Jean Marais, reconstitué par Pierre-Yves Leprince
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Pour la première fois à la Comédie-Française
Coréalisation Comédie-Française, Studio-Théâtre / Le Cado, Centre national de création Orléans-Loiret.
en tournée de fin septembre à fin décembre 2010
Cocteau-Marais Par Jean-Luc Tardieu, metteur en scène
Cocteau, autoportrait
Jean Marais ne voulait pas organiser seul un portrait de Cocteau, il se sentait trop proche, trop intime avec lui. Il était partisan. Pour répondre à sa demande, il y a près de trente ans, j’ai cherché dans l’œuvre de Cocteau de quoi construire un portrait, j’ai puisé le matériau du spectacle dans les textes autobiographiques, et davantage encore dans ses romans, ses films, ses inventions. Jean Marais m’a laissé une totale liberté dans mes recherches et mes propositions. Il n’était jamais directif ; il souhaitait seulement que le fantôme de Cocteau vienne le missionner pour le représenter sur terre. « Toi c’est moi, moi c’est toi. Je suis mort, ma vitesse n’est pas la tienne, et je peux te parler car nos vitesses me permettent de me rapprocher de toi. » C’est son idée, son désir. Quand Marais m’a ouvert la porte de sa bibliothèque, j’ai été pris d’un bonheur douloureux ! Il y avait tant de choses. Je découvrais des entretiens ou des confidences directes, à l’époque inédits, comme les correspondances ou les journaux intimes de Cocteau, je rassemblais des éléments de portrait dans les personnages de ses romans, où il se dévoile intimement plus encore que partout ailleurs. « Un peintre fait toujours son propre portrait », disait Cocteau, qui se racontait partout et sans cesse. Il aura pourtant passé sa vie à lutter contre l’image qu’il renvoyait, cette image que l’on véhiculait de lui avec complaisance ou méchanceté : « Si j’étais cela, disait-il, je ne serais pas de mes amis ». On le considérait comme un prestidigitateur inspiré, un magicien. Mais il s’en défendait : « Il n’y a pas de magie, disait-il, je travaille ! » Il n’y avait dans l’œuvre de Cocteau aucune inspiration divine, mais une expiration profonde, dans les zones dangereuses des êtres, là où on se risque à rencontrer des démons.
Radiguet, Marais, les amours de Cocteau
Jean Marais tenait à évoquer la liaison de Cocteau à Raymond Radiguet, dont la mort et le deuil furent à l’origine de tous les dérèglements, le chagrin inconsolable, le recours à l’opium… Jean Marais savait raconter cet amour avec une infinie tendresse, un magnifique respect. Au moment de cette séquence, il était bouleversé. Non pas parce qu’il était question de l’amour de Radiguet, mais parce qu’il évoquait le chagrin de Cocteau, et ce chagrin le traversait. L’amour les unissait. Jean Marais avait avoué que, quand Cocteau lui avait déclaré son amour, c’était le jeune acteur intéressé qui avait répondu au poète reconnu : « je vous aime, moi aussi. » Mais les mots avaient précédé un amour indéfectible qui s’est construit au fil des ans.
Le témoin du siècle
Cocteau-Marais consiste aussi en un véritable exercice d’admiration : Cocteau adulé, mais tout autant honni, a gardé toute sa vie une capacité intacte d’admiration. Par tous les portraits qu’il dresse des personnes qui ont influencé sa vie, sa carrière ou son art, il peint à lui seul la grande histoire artistique et intellectuelle du vingtième siècle. Cocteau semble toujours à la fois hors du temps, hors du monde, et absolument en prise avec l’air du temps. Il aura devancé toutes les modes, tous les genres. Ses premières œuvres poétiques, littéraires, cinématographiques, picturales, ont été les objets de tous les scandales. Lui-même, dans le spectacle, le raconte avec délectation. Il est sans cesse en avant sur son temps, il fait preuve d’une exceptionnelle perception des courants et des évolutions artistiques, des courants qu’il a su devancer. Il devient ainsi un témoin exceptionnel de notre histoire, d’autant plus qu’il traverse deux guerres. Il est très jeune quand il connaît la « drôle de guerre », il la vit alors d’une manière presque inconsciente, légère. Vingt ans plus tard, il perçoit parfaitement la gravité, les dangers et les horreurs de la Seconde Guerre. Et aujourd’hui, près de cinquante ans après la mort de Cocteau, les regards du poète sur le monde et l’histoire, s’imposent comme des commentaires ou des documentaires d’une rare acuité et d’une grande valeur. Jean Marais m’a donné accès à des documents rares, comme les journaux intimes de Cocteau, son journal sous la résistance… J’ai eu accès à des manuscrits, à des lettres inédites. Rien ne semble finalement aussi simple qu’on a voulu le croire : Cocteau a eu à se justifier à plusieurs reprises de ses amitiés mal interprétées, avec notamment sculpteur Arno Breker. Il a eu à se justifier de leur relation ; les deux hommes s’étaient connus à vingt ans, alors que le sculpteur n’était associé à aucun courant idéologique. Chacun a fait son chemin, leurs destins ne se sont pas décroisés pour autant, et Cocteau est resté lié à Breker. Il l’a même sollicité comme intermédiaire pour tenter voire parvenir à sauver des individus. Peu après la création de notre spectacle avec Jean Marais, le journal de Cocteau a paru sous le titre Passé défini, en deux volumes. Mais le journal est paru édulcoré, avec des coupes, des crochets. Cela provoquait chez Marais une colère noire, « s’il a dit quelque chose, disait-il, on doit le publier, et s’il dit du mal de moi, je refuse qu’on le taise ! »
Reconstitution - création
Il me fallait d’abord organiser la reconstitution du spectacle, retrouver son esthétique. Cocteau-Marais a été créé en France, mais il a été joué plus de cinq cents fois, du Canada au Japon. C’est évidemment par ailleurs une recréation, dans la mesure où les deux acteurs sont à l’opposé l’un de l’autre, dans leurs qualités, dans leurs forces comme dans leurs failles. Jean Marais souhaitait que le spectacle existe après lui, il en avait émis clairement le désir. Il y avait une alchimie si particulière entre Jean Marais et Jean Cocteau, par l’évidence de leur relation et de leur amour. Mais Marais était un acteur athlétique, fort, même à près de soixante-dix ans, il était d’une puissance physique et vocale inouïe. Cocteau quant à lui était un homme fin, long, un dandy élégant, subtil. Curieusement, Jacques Sereys devient aujourd’hui beaucoup plus crédible dans le rôle de Cocteau que ne l’était Marais. Il est plus proche à bien des égards de l’autoportrait de Cocteau. Et soudain, ce sont des pans entiers du portrait de Cocteau, pans qui étaient jusqu’ici restés dans l’ombre avec Marais, qui prennent une lumière particulière, tandis que d’autres moments lumineux avec Marais prennent des couleurs « pastellisées » avec Sereys… Le théâtre est le lieu de l’acteur, et Cocteau l’exprime ainsi : « J’aime les acteurs car ils revêtent d’une manière très étrange notre ligne d’écriture. Nous avons besoin d’eux, car nous sommes de chambres et eux d’estrades, nous sommes de nuits et ils sont de lumières. » Jacques est un tel virtuose qu’il n’éprouve jamais le besoin de se cacher derrière des masques d’angoisse ou de mise à l’épreuve. Comme Marais, il est d’une disponibilité absolue, d’une générosité formidable. Jean Marais voulait jouer, Il aimait ça, le jeu appartenait pour lui à l’univers de l’enfance. Cela avait l’importance et la gravité d’un jeu d’enfant, mais cela recouvrait en même temps la légèreté et le plaisir d’un jeu d’enfant. Jacques Sereys ne peut travailler que si cela passe par le plaisir. Il se donne la possibilité de le vivre et de l’éprouver, parce que c’est un bûcheur exceptionnel ! On peut tout lui demander, il peut répondre à tout, jouer toutes les notes de la gamme. Il maîtrise admirablement sa partition et son art. En retour, sa seule exigence, c’est le plaisir.
Jean-Luc Tardieu, juin 2009
propos recueillis par Pierre Notte, secrétaire général de la Comédie-Française
L’équipe artistique
Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie-Française
Il a 14 ans en 1942. Il vit à Marseille, au-dessus d'un entrepôt de parfumerie. Il n'a jamais connu son père. Il vit élevé par des femmes. Sa grand-mère a été cuisinière dans des maisons bourgeoises. Sa mère est devenue brodeuse, un art qu'elle a appris des religieuses, et le quotidien modeste. Les Japonais ont attaqué Pearl Harbor, Orson Welles vient de réaliser Citizen Kane, Carné signe Les Visiteurs du soir et Lubitsch tourne To be or not to be.
Il a 14 ans, on l’appelle Jacky. Il veut aider sa mère. Il décide de travailler. Au Crédit Lyonnais, il se fait groom, gosse à tout faire, et fait tout, mais rien ne l'empêche de lire Proust, de rencontrer des artistes du dimanche qui le poussent à lire des poèmes, à en écrire, à en dire. Le gamin devient lecteur, le lecteur devient conteur, et veut apprendre le métier d'acteur.
En 1947, il débarque dans la capitale. À dix-neuf ans, il a lu ses classiques, perdu son accent, et passe le Conservatoire. Dès lors, il travaille, lit, apprend. 1955, il entre à la Comédie-Française, et pour trente ans, avec un goût prononcé pour l'intermittence, puisqu'il quittera la Maison de Molière en 1965 pour la rejoindre finalement en 1978 et ce jusqu'en 1997. Il grandit au cœur d'un âge d'or : ses maîtres se nomment Beaumarchais, Marivaux, ses camarades Jacques Charon, Robert Hirsch, Jean Piat, Françoise Seigner. Alain Feydeau, avec qui il partage sa loge, l’appelle « ma petite mouche bleue », son surnom devient « mouchy ».
Il raffole des grands écarts, passe du rire aux larmes, du boulevard au classique, met en scène L'Aiglon de Victor Hugo, ou déglingue la mécanique du Vison voyageur avec Poiret et Serrault. Il joue Feydeau, Genet, danse et chante le rôle de Ménélas de La Belle Hélène à l'Opéra Comique, et fait entrer Giraudoux à la Comédie-Française. Et Goldoni aura été son auteur de prédilection, avec La Locandiera, L'Impressario de Smyrne, La Serva amorosa, ou bien sûr la Trilogie de la villégiature, sous la direction de Giorgio Strehler.
Au cinéma, Jacques Sereys traverse les écrans du Feu follet de Louis Malle, en 1963, revient dans Le Hussard sur le toit trente ans plus tard, ou récemment dans Mon petit doigt m'a dit, de Pascal Thomas. Années 2000, seul en scène, subtil orateur, doté du Molière du Comédien, il interprète Du côté de chez Proust, puis Sous le soleil de Daudet, dirigé par son complice Jean-Luc Tardieu. Aujourd’hui, il est bricoleur, confectionneur de coussins, de meubles, il est peintre, imitateur, amoureux des plantes, des animaux et de la nature. Monsieur Jacques Sereys, est sociétaire honoraire de la Comédie-Française depuis 1997.
Sous le titre « grand portrait », organisé par Muriel Mayette, administrateur général, et animé par Pierre Notte, secrétaire général, un grand hommage lui a été rendu au Théâtre du Vieux-Colombier durant la saison 2007-2008.
Jean-Luc Tardieu, mise en scène
Dans un parcours éclectique - voire hétéroclite, ironise-t-il lui-même volontiers -, il a mis en scène de nombreux textes naturellement destinés au théâtre, d’auteurs très divers : Duras, Hugo, Pagnol, Ibsen, Shakespeare, Giraudoux, Wilde, Aristophane, Rostand, Montherlant… Mais il a aussi plusieurs fois mis sur l’estrade des textes à l’origine écrits pour l’intimité de la lecture.
On peut se souvenir de Edwige Feuillère en scène au Théâtre de La Madeleine : les vraies/fausses confidences d’une actrice ayant marqué par ses créations de Claudel, Giraudoux… qui valut à son interprète le « Molière » de la meilleure comédienne.
Et aussi de Du côté de chez Proust au Théâtre Montparnasse, déjà avec Jacques Sereys, lui aussi couronné du « Molière » du meilleur comédien, spectacle qui fut une nouvelle illustration de cette attirance pour la mise en voix solitaire, la mise en jeu des grands textes de la littérature.
Le premier d’entre eux fut ce Cocteau-Marais avec Jean Marais, créé au Théâtre de l’Atelier en 1983, pour le 20e anniversaire de la disparition de Jean Cocteau, spectacle fondateur de ceux qui ont suivi.
Pierre-Yves Leprince, reconstitution du décor
Né en 1940, passionné de peinture et de théâtre, il a fait des études de lettres et fondé en 1966 une troupe théâtrale dans le lycée où il était professeur. À France Culture, où il était producteur d’émissions littéraires dans les années soixante-dix, il a rencontré de jeunes comédiens du Conservatoire d’art dramatique de Paris et a créé pour eux des décors et des costumes ; ainsi s’est-il ensuite consacré à la décoration de théâtre.
Il a travaillé pour les metteurs en scène Patrice Alexandre, Pierre Romans, Jean-Louis Martin-Barbaz, Marcel Maréchal, Andreas Voutsinas, Jean-Claude Brialy, Francis Huster, Jean-Pierre Miquel, Jean-Luc Moreau, Roger Louret, Nicolas Briançon. Il a également travaillé pour le cinéma (Dominique Delouche) et la danse (Maurice Béjart), et avec des directeurs artistiques tels que Gabriel Dussurget, Rolf Liebermann et Hugues Gall.
Il a conçu (et souvent peint) des décors et des costumes pour des spectacles d’auteurs tels que Eschyle, Shakespeare, Corneille, Molière, Goldoni, Marivaux, Musset, Wedekind, Jean Vauthier, Marcel Aymé, Jean Anouilh, Sacha Guitry, Milan Kundera et Jean Cocteau, pour de jeunes compagnies, dans des théâtres nationaux et privés, pour des œuvres musicales de Purcell, Vivaldi, Grétry, Gounod, Donizetti, Offenbach, Britten, dans des festivals en France et à l’étranger.
Il a travaillé trois fois avec Jean Marais, en particulier pour Les Chevaliers de la table ronde de Jean Cocteau, a créé pour Jean-Pierre Miquel le décor et les costumes de sa mise en scène du Misanthrope de Molière au Théâtre du Vieux-Colombier en 2000 et a conçu récemment le dispositif scénique de Du côté de chez Proust de Jacques Sereys, au Petit Montparnasse, dans la mise en scène de Jean-Luc Tardieu.
Jacques Rouveyrollis, lumières
Jacques Rouveyrollis signe en 1965 ses premières créations avec Les Jelly Roll, puis il rejoint Michel Polnareff pour huit années. Depuis, il diversifie ses créations du spectacle vivant aux grands événements. De Joe Dassin à Barbara, de Johnny Hallyday à Charles Aznavour, de Serge Gainsbourg à Michel Sardou, ce sont plus d’une centaine d’artistes et de nombreux producteurs de spectacles qui ont fait appel à ce magicien de l’ombre et de la lumière.
En 1983, il crée les lumières du Festival de Wallonie, à Liège. Puis s’enchaînent le festival Juste pour Rire au Canada, Le Printemps de Bourges et Les Francofolies de La Rochelle. De la chanson à la comédie musicale, il n’y avait qu’un pas que Jacques Rouveyrollis se devait de franchir. Le Bonheur ? sera le début d’une série de collaborations avec les plus grands metteurs en scène, les grands noms de la chanson, des décors magnifiques. Au théâtre, il débute en 1983, grâce à la rencontre de Jean-Luc Tardieu qui fait appel à son talent pour la pièce Cocteau-Marais. Une centaine de créations s'en suit. Il fut récompensé par deux Molières pour les lumières de À tort ou à raison et La Boutique au coin de la rue. Il éclairera également des opéras dirigés par les plus grands chefs d’Europe Filius Hominis en 1989 à Rome, Jeanne au bûcher à Buenos Aires en juillet 2000... Des ballets complèteront ses créations.
« La lumière donne la vie ». Aussi, Jacques Rouveyrollis multiplie ses créations sur tous les continents dans des lieux très divers, toujours impressionnants : la Concorde à Paris en 1979, Houston, La Défense, la tour Eiffel avec Jean-Michel Jarre, les Îles de Lérins, le Trocadéro, le Port de Tokyo, les Invalides, le Cadre Noir de Saumur, le Parc des Princes, le Stade de France, Los Angeles, le Stade de Santiago du Chili, la Tournée des stades de Johnny Hallyday. Tel un peintre, il habille de ses tableaux les plus grands édifices : Café de Paris à Monte Carlo, la Cité médiévale de Sarlat, le Centre Georges Pompidou. Il signe la direction photo d’une centaine de vidéos ou de programmes de télévision ; des « Droits de l’Homme » au Trocadéro à « Johnny Hallyday à la Tour Eiffel ». Pour Jacques Rouveyrollis, curieux et inventif comme aux premiers jours, une nouvelle création de lumières, « c’est toujours la première fois ! ».
Les poètes ne se démodent pas. Surtout quand ils ont toujours été en dehors des modes. Les histoires d'amour non plus. Il y a un quart de siècle, Jean Marais montait sur les planches pour un hommage amoureux à Jean Cocteau, concocté avec la complicité de Jean-Luc Tardieu. Ce texte nous est restitué, frais comme une rime au matin, par un comédien malicieux qui n'a pas peur des jeux de miroir : Jacques Sereys est Marais jouant Cocteau à tous les âges de sa vie ondulante. Le miroir est un des rares éléments de décor de ce spectacle intime.
Comme dans les films de Cocteau, le comédien traverse sa surface réfléchissante, pour mieux défier la mort et le temps. Morceaux de romans, de poèmes, de lettres, de journal... Sereys se les réapproprie avec humour et tendresse, tour à tour badin et grave. Les mots coulent à flots. Ils sont beaux, légers, gourmands, parfois mouillés d'acide. On rit beaucoup, on est ému aussi. On rencontre les plus belles figures du XXe siècle : Stravinsky, Nijinski, Satie, Radiguet… Les applaudissements tombent à la fin comme une pluie de printemps. Trois petit tours et puis s'en vont… Sereys et ses fantômes esquissent un pas de danse avant de disparaître dans les enfers du théâtre. Philippe Chevilley
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Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, un grand sociétaire honoraire nous offre Cocteau-Marais, un montage de texte de Cocteau qui fut autrefois joué par Jean Marais lui-même qui l'avait mis au point avec Jean-Luc Tardieu qui en signait la mise en scène. C'est Jean-Luc Tardieu qui reprend ce spectacle avec Jacques Sereys, immense comédien qui est aussi touchant que libre dans ce parcours délicat. Armelle Héliot
suppl. Sortir
En 1983, Jean Marais et Jean-Luc Tardieu avaient composé, en un hommage vibrant à Cocteau, ce long poème biographique à partir d’extraits de ses romans, de ses pièces, de sa correspondance, de ses poèmes. Jean Marais, alors âgé de 69 ans, le disait en hommage intime à son maître et amant. Jacques Sereys le reprend aujourd’hui dans un spectacle précieux et exquis, aux noirs et aux rouges miroitants, évocateurs des thèmes chers au poète. La mise en scène de Jean-Luc Tardieu, qui joue des masques et des reflets, des ombres et des lumières, permet d’accéder à l’univers du poète en traversant toute une mémoire artistique et littéraire du XXème. Jacques Sereys joue Marais jouant Cocteau. Il nous entraîne dans une traversée des miroirs et fait revivre la mémoire de ce poète « touche-à-tout » de génie, parfois mondain, toujours douloureux derrière le brillant et les facilités. Sylviane Bernard-Gresh
Il y a un quart de siècle, Jean Marais, comédien solaire et beau comme un dieu, montait sur scène pour rendre un hommage amoureux à Jean Cocteau. Jacques Sereys, avec la complicité plus qu'amicale du metteur en scène et adaptateur Jean-Luc Tardieu, reprend cet excellent spectacle, comportant des extraits de textes autobiographiques, de romans et des films les plus célèbres. Les souvenirs se succèdent, se superposent et s'emboîtent tant l'œuvre de Cocteau est riche, flamboyante, et sa langue admirable. Il a été un témoin essentiel du XXe siècle, tantôt adulé tantôt honni, qui a traversé deux guerres et a connu les plus belles et les plus intéressantes figures de l'époque : Stravinsky, Nijinski, Satie et, surtout, Raymond Radiguet dont la mort le laissa inconsolable, d'où son recours à l'opium. Cet amour est raconté avec une infinie tendresse et délicatesse, le chagrin de Cocteau était aussi celui de Jean Marais. Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie-Française, est un fin diseur, malicieux, dont l'élégance et l'aisance sont impressionnantes. Etonnant virtuose, il vit et maîtrise admirablement sa partition à tous les âges de la vie de Jean Cocteau, traversant le miroir comme dans les films du poète. Jacques Sereys s'approprie les mots de Cocteau avec humour, légèreté ou gravité. On rit beaucoup même si l'émotion est souvent présente. Bravo à Jean-Luc Tardieu pour son minutieux travail de mise en scène, à Jacques Rouveyrollis pour les subtiles lumières et à Jacques Sereys pour ce moment de bonheur. Arlette Frazier
Au Studio-Théâtre, l'un des très grands comédiens de la troupe, un artiste merveilleux, sociétaire honoraire, reprend la très belle évocation conçue il y a quelques années par Jean-Luc Tardieu et Jean Marais. Dans Cocteau-Marais, la délicatesse de l'interprète, sa science profonde de l'art de dire, sa culture immense, son élégance, sa malice, tout concourt à donner à la représentation une fluidité heureuse. La belle voix de Jacques Sereys sert le propos, comme il avait servi Proust. C'est un très grand moment d'art dramatique et poétique, d'émotions rares. Armelle Héliot
Sans brûler l’idole jadis adorée, comme Maurice Sachs dans « Le Sabbat », nous sommes tous, à divers degrés, traîtres à Jean Cocteau. Comme si nous avions été ses dupes. Comme si, pour nous éblouir, il avait abusé de notre jeunesse vêtue de probité candide et de lin blanc. Ses détracteurs l’ont tellement rabaissé que nous rougissons de notre ancienne admiration. Le premier mérite de ce spectacle est de rappeler que l’enchanteur n’était pas pourrissant, et que si les poèmes de Cocteau ne valent pas ceux d’Apollinaire ou ses dessins ceux de Picasso, son œuvre n’est pas négligeable pour autant. En outre, grâce à son inépuisable faculté d’enthousiasme, il nous aiguille sans cesse vers d’autres créateurs, égaux ou supérieurs à lui. Quelle rapidité de style ! Il a pour évoquer Radiguet ou Stravinsky des formules foudroyantes. Le titre du spectacle est trompeur. Des amours de Cocteau et Marais, il n’est pas question. C’est un simple montage de textes que Marais avait réalisé et interprété en 1983, en collaboration avec Jean-Luc Tardieu. Jacques Sereys, dont le talent de diseur n’est plus un secret pour personne depuis ses récitals Proust et Daudet, en profite pour adresser à l’un des derniers princes des poètes un joli signe d’amitié en passant. Jacques Nerson
(...) Même impression de bonheur, de gaieté, voire de sérénité, devant le Cocteau-Marais qu’incarne avec une délicieuse finesse un autre comédien-français, Jacques Sereys, 78 ans, sociétaire honoraire de la Maison de Molière. C’est Jean Marais, souhaitant rendre hommage à son mentor et amant lors du vingtième anniversaire de sa mort, qui avait eu l’idée, voilà trente ans, de ce monologue où Cocteau (interprété par lui, Marais) racontait œuvre et vie. Piochant dans les écrits autobiographiques du dessinateur-cinéastre-romancier-poète-dramaturge, il avait ainsi conçu, avec l’aide éclairée du metteur en scène Jean-Luc Tardieu, un portrait frémissant d’humour et de sensibilité, d’émerveillement devant la vie et de désarroi intérieur. A celui qui, sa vie durant, traversa les miroirs pour percer la réalité des images, des reflets, à celui qui quêta l’essence de l’illusion, la vérité du mensonge, Jacques Sereys prête une grave nonchalance, un dandysme philosophe. On l’avait déjà admiré en Proust, le voilà parfait en Cocteau, même si les deux écrivains ont apparemment peu en commun. Rien que le goût du rêve. Et la passion du théâtre. Fabienne Pascaud
Un grand du théâtre pour rendre hommage à un autre grand. Comme Jean Marais l’avait fait il y a un quart de siècle, Jacques Sereys est devenu Jean Cocteau, hier soir, au Théâtre, devant quelque 500 personnes. Une heure trente, seul sur scène, dans un décor intimiste, entre un profond miroir et un profil épuré tellement reconnaissable, pour incarner le poète, l’esthète, « l’homme sans cadre » mais l’homme de l’art et du spectacle audacieux que fut Cocteau.
Complètement habité par son texte, Jacques Sereys retrace cette vie peu ordinaire, plein d’entrain et de piquant, malicieux quand il le faut et parfois insolent. L’enfance l’éveil à l’amour, la guerre, le théâtre, les ballets russes, l’opium, la peinture, l’Académie Française, les rencontres avec d’autres grands artistes comme Picasso, Satie, Stravinsky… Egrenant les décennies, il passe d’une pensée à l’autre, d’une anecdote à un souvenir, accompagné d’un jeu de lumières complice. Ponctuant son voyage de phrases telles que « l’impudeur, c’est notre héroïsme » ou « la mort ne me rend jamais triste » et poussant même la chansonnette. Tantôt amer, tantôt souriant, souvent tendre, Sereys-Cocteau offre là un témoignage touchant et plein d’élégance, copieusement applaudi par le public. Marie Belhomme