Acte 2

Et pendant ce temps Sigmund Freudonnesaison 2024-2025

note d’intention 

En 2012, suite à l’affaire Strauss Kahn, j’ai créé “Et pendant ce temps Simone veille”, qui raconte l’histoire de la condition féminine en France depuis les années 1950 à nos jours, à travers quatre lignées de femmes sur quatre générations.

Ce spectacle constituait pour moi un devoir de mémoire pour rappeler d’où l’on vient afin d’éviter d’y retourner. Un jour un ami m’a glissé à l’oreille : « Tu devrais faire la même chose pour les hommes ! ».

D’emblée l’idée m’a séduite. Mon idée du féminisme a toujours été d’avancer ensemble, hommes et femmes main dans la main. Mais autant quand vous mettez trois femmes sur un banc pendant une heure, elles se racontent leur vie, autant des hommes réunis sur un banc pendant une vie se racontent à peine une heure !

J’ai donc voulu, dans une tonalité humoristique et musicale, tenter de percer le silence des hommes et leurs difficultés à être homme à travers l’histoire, en entrant dans l’univers masculin en accompagnant quatre lignées d’hommes sur plusieurs générations, avec en fil rouge le personnage de Miss Freud, conteuse de cette évolution de la condition masculine et point de jonction entre les différents personnages masculins.


Trinidad


de et avec Trinidad

mise en scène Gil Galliot

avec
Sébastien Fouillade
Marin Langlois
Patrick Mazet
Clément Vieu

et Audric Reynaud

 

lumières Gil Galliot

scénographie Sophie Jacob

musique Pascal Lafa
costumes Chouchane Abello-Tcherpachian
chorégraphie Johan Nus

production François Volard Acte 2
avec le soutien du Théâtre André Malraux à Rueil Malmaison (92)

 


Galerie photos

Magcentre

Clin d’œil à la condition masculine selon Freud et Trinidad

Un moment de pur plaisir et d’humour partagé.

Le propos est sans ambages et va droit au but. Trinidad appelle un chat un chat et elle se penche sans filet sur un sujet qui lui tient à cœur : les hommes, ceux évoqués par la chanson de Barbara dès l’entrée en scène. D’emblée, tous les archétypes de la gent masculine sont là, le vocabulaire est cru et le discours ne ménage personne. L’on craint la banalité, les idées reçues, mais très vite l’on est emporté dans un propos virevoltant et beaucoup plus subtil qu’il n’y parait.

Dans une mise en scène de Gil Galliot, quatre comédiens illustrent les différentes scènes, ne ménageant par leurs effets en théâtre, danse, chant, mimiques… Ils sont tout simplement hilarants et se prêtent avec finesse et humour aux différents rôles qui leur sont attribués par une « Miss Freud » qui ne leur rate rien !

Adroitement, la scène remonte le temps, et c’est l’occasion de prendre conscience des mentalités qui sous-tendent les rapports hommes/femmes depuis des décennies, des contextes et des évolutions. Tout ceci avec beaucoup d’humour et de connivence avec le public. Ce dernier ne boude pas son plaisir et réserve un triomphe


Destimed

De la dramaturge et comédienne Trinidad on connaissait « Et pendant ce temps-là Simone veille », où elle retraçait avec humour la (trop lente) évolution de la condition féminine. Des années 1950 à nos jours, nous y suivions trois femmes, quatre générations dans des scènes de la vie quotidienne accompagnées de chansons décalées. Après cette pièce qui fut un succès Jean-Marc Catella suggéra à son amie autrice de réaliser le même spectacle sur les hommes. Ainsi est née l’idée de « Et pendant ce temps-là Sigmund freudonne » joyau théâtral à découvrir en ce moment au CADO d’Orléans, lieu dirigé par Christophe Lidon.

« D’emblée l’idée m’a séduite, précise Trinidad. Mon idée du féminisme a toujours été d’avancer ensemble, hommes et femmes main dans la main. J’ai voulu, dans une tonalité humoristique et musicale, tenter de percer le silence des hommes et leurs difficultés à être homme à travers l’Histoire, en entrant dans l’univers masculin en accompagnant quatre lignées d’hommes sur plusieurs générations, avec en fil rouge le personnage de Miss Freud, conteuse de cette évolution de la condition masculine et point de jonction entre les différents personnages masculins. »  Elle signale que le livre de Guy Corneau « Père manquant, fils manqué », l’a beaucoup marquée. « J’ai construit, poursuit-elle, chaque personnage de la pièce sur le manque du père justement et sur leurs conséquences. J’ai écouté alors beaucoup d’hommes avec notamment la parole d’un professeur d’Histoire, pour mieux appréhender la notion d’enfermement condamnant chaque lignée au silence, et, ce pour des raisons différentes. Ici la lignée de Jacques c’est la rigidité. La lignée de Hugo c’est l’homosexualité. La lignée de René, c’est la colère. Auxquelles se rajoute la lignée de Kevin, Paul et Jean-Paul, tous en lien avec l’Allemagne qui m’a servi de levier d’écriture pour montrer combien les hommes ont du mal à parler entre eux. »

Ils sont là, réunis devant nous, quatre beaux spécimens de la gent masculine, à quatre âges charnières de la vie. Et on les écoute parler de leur condition masculine, grâce à l’intervention de Miss Freud, une mystérieuse maîtresse de cérémonie, qui va les inciter à se dévoiler. Les hommes… que chante Barbara dont on entend quelques notes ont-ils changé ? « Ceux du 21e siècle ressemblent fort à ceux du 20e, non ?» Mais attentionnous dit-on :« Il ne s’agit pas là d’un cours de sociologie ! C’est avec humour et en musique que notre interlocutrice et ses comparses mettent le doigt sur les contradictions qui les habitent, les normes liées à la masculinité, abordent la remise en question de la distribution des rôles et des comportements préconçus. Leur but ? Susciter le rire et provoquer l’auto-critique et l’auto-dérision tout en encourageant l’empathie envers ces parcours masculins. » Sourire en se divertissant, donc. Tout un programme… et sont présents alors beaucoup d’hommes en un seul homme.  Trinidad qui affirme ne pas adhérer à un féminisme qui annihile les hommes, défend ici l’idée qu’on ne doit pas faire payer aux jeunes générations ce qui s’est passé avant.

Avec en toile de fond une plongée dans la PMA qui signifie ici « Père Manquant à l’appel », développant principalement cette constatation : « C’est tout le problème de l’inconscient, on pense qu’on est le problème alors qu’on porte le problème ». La pièce nous fait découvrir autour de Trinidad, dans la peau d’une Miss Freud pétillante, des interprètes au diapason. A savoir … Sébastien Fouillade (Hugo, Aristide, et Hubert), Patrick Mazet (Renaud, Renan et René), Clément Vieu (Charles-Antoine, Carlo et Jacques), et le plus jeune de l’équipe Marin Langlois, formidable en Kevin, Paul et Jean-Paul. Né le 29 février 2000 ce dernier vit ici sa première expérience théâtrale professionnelle. Son enthousiasme est total. « Il n’y a pas mieux pour commencer sur les planches que cette pièce», indique-t-il avant d’expliquer: « J’allais aux répétitions avec bonheur et je me suis enrichi de cette expérience. L’alchimie qu’on a tous les cinq dans ce qui fut un travail rigoureux et où on s’est beaucoup amusés m’a tellement fait exister sur scène… Et puis moi qui n’ai pas connu cette époque des avancées du droit des femmes dont la loi Veil, j’ai beaucoup appris de ce texte.» Au charisme et au talent innés, Martin Langlois s’est fondu dans l’équipe avec l’aisance et la générosité d’un comédien chevronné, aidé en cela par la mise en scène inventive et d’une finesse extrême que l’on doit à Gil Galliot. Loin de faire de la paraphrase, passant d’une époque à l’autre dans des mouvements fluides au sein de scènes s’enchaînant avec virtuosité, ne perdant jamais ainsi le spectateur dans ces expositions de temporalités différentes, celui-ci accompagne le travail de tous dans une modestie et une flamboyante approche du texte.

Moment bouleversant où sont cités des hommes amoureux des femmes tels Jacques Brel, « Ne me quitte pas » Paul Eluard, « la courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur », Aragon des « Yeux d’Elsa », montrant que depuis 1998 « les filles préfèrent le Parc des Princes aux princes charmants », insistant également sur un certain MLF (Mâle Lâché par les Femmes) voilà un spectacle théâtral et musical de toute première importance. Et si beau à voir, tant les costumes de Chouchane Abello-Tcherpachian, les décors de Sophie Jacob, la chorégraphie de Johan Nus accompagnant la musique originale de Pascal Lafa, et les lumières de Gil Galliot en personne, sont à la hauteur de ce projet artistique au final citoyen et salutaire.


création automne 2024
Et pendant ce temps Sigmund Freudonne