La Vie est un songe2018 - 2019
Une épopée théâtrale onirique aux accents d'aventures, de fureur, de passion
Le roi Basile l’a lu dans les astres : Son fils Sigismond, qui vient de naître, est un porteur de malheur qu’il s’agit d’écarter du trône sans délai. Il choisit alors de l’enfermer loin du monde des humains. Mais lorsque le temps de sa mort s’approche, le doute s’insinue dans l’esprit du vieux roi... Peut-on échapper à sa destinée ? Sa nouvelle décision ne sera pas sans conséquence ! Elle nourrira d’inépuisables désirs de vengeance et de pouvoir, déclen- chera de guerrières chevauchées, et plongera les humains dans le sang et les larmes, à la frontière du rêve et de la réalité, sur le dur chemin qui mènera Sigismond vers la sagesse.
Un classique flamboyant ...
Cette pièce de 1635 est d’abord un thriller qui ne cède en rien à « Game of Thrones », plein de bruit et de fureur - une fureur sauvage et explosive qui propulse les personnages dans des situations palpitantes - ; c’est un ouvrage au baroque flamboyant, pleinement espagnol dans la mesure où il remet à sa place de valeur suprême le code de l’honneur.
Ce texte est aussi un conte philosophique sur les dérives du pouvoir qui nous persuade que nous rêvons et que la vraie vie est après ; la modernité de ce texte baroque réside dans sa flamboyante capacité à passer à nos contemporains le message suivant : Rien n'est prédéterminé, votre destin est entre vos mains, ne pliez pas devant les contingences, les coups du sort, les contraintes de toute sorte qui pourraient vous maintenir au sol. L'exercice d'un pouvoir, quel qu'il soit, ne doit pas vous persuader que vous vivez alors que vous êtes endormi ! C’est enfin un parcours d’acteurs exceptionnel, car il mêle l’introspec- tion, la révolte, la déchéance et la gloire.
Le texte original de Pedro Calderón a donné lieu à un travail d’adaptation important, destiné à faire jaillir le sens profond de la pièce pour nos spectateurs peu habitués aux valeurs de cette époque, rendre les dialogues efficaces et accessibles, sans enlever une once de la folie chevaleresque et de l’ivresse des situations qui fait que « La vie est un songe » est un grand spectacle populaire.
... Où tout apparaîtra et disparaîtra comme dans un rêve...
Christophe Lidon
de Pedro Calderón de la Barca
mise en scène Christophe Lidon
traduction et adaptation Michael Stampe
avec Frédéric Andrau, Jérôme Anger,
Gérard Desarthe, Lina El Arabi, Valentine Galey,
Gaël Giraudeau, Dominique Pinon
costumes Chouchane Abello-Tcherpachian
lumières Marie-Hélène Pinon
musique Cyril Giroux
images Léonard
assistante à la mise en scène Natacha Garange
création CADO
Centre National de Création, Orléans - Loiret
avec le soutien du Festival d'Anjou
Calderon eut une vie suffisamment folle pour écrire une œuvre déraisonnable. Jeune, il fut accusé de meurtre ; vieux, il fut un mystique de haut vol. La vie est un songe ne raconte rien de sa biographie mais entremêle les différents aspects de sa pensée, morale et immorale, élevée mais traversée de sensualité, respectueuse du pouvoir royal mais insolente à l’égard d’une société autoritaire, imprégnée de tragédie mais s’amusant à intégrer légèretés et comédies. Toutes ces composantes mènent à l’interrogation formulée dans le titre : où est la vie réelle, où est le songe ? Où commence la première, où s’interrompt le second ? Ne sommes-nous dans une perpétuelle fiction ?
Le destin du personnage principal, le jeune Sigismond, voit ces interrogations amplifiées par le sort que lui inflige son père, le roi d’une Pologne imaginaire. Un oracle a affirmé que Sigismond sèmerait le malheur autour de lui. Aussi son père l’a-t-il fait enfermer dans une bastille où il a perdu le sens de la liberté et la perception des concepts et du monde concret. Libéré, il prend le pouvoir en monarque incohérent et dangereux. La hiérarchie, les relations entre les uns et les autres, les attractions amoureuses explosent sous l’effet des décisions de ce prince féroce et sans ruse. Vaincu, ré-emprisonné, il résoudra toutes ses contradictions pour devenir enfin un homme d’une grande sagesse.
Ce que propose Christophe Lidon au CADO, c’est une version allégée et resserrée. Michaël Stampe a conçu un texte français qui va à l’essentiel et avance sur les deux fronts du dérèglement psychique et des querelles amoureuses. Un lourd rideau, brun et argenté, toujours en mouvement, impose un climat éthéré, plus philosophique que politique, plus empli d’idées que de réalités, bien qu’une ville se dessine au loin. L’on n’est pas cependant dans l’allégorie, les acteurs donnant au texte la plénitude de son emportement. Gaël Giraudeau, dans le rôle de Sigismond le prince au cerveau égaré, va d’un état d’âme à l’autre avec une juvénilité rêveuse et profonde, dans un jeu aussi musclé qu’intériorisé. Il est remarquable. Gérard Desarthe incarne le roi Basile dans un beau tournoiement impatient. Frédéric Andrau sait insuffler une grâce légère au personnage ambigu d’Astholphe. Valentine Galey dessine bien les allers et retours pensifs d’Etoile. Dominique Pinon dégage toute l’acidité du subalterne malignement appelé Clairon. Jérôme Anger joue un seigneur à la solennité creusé par l’émotion. Enfin, Lina El Arabi compose une Rose (Rosaura dans le texte espagnol) dont elle met bien en relief les douleurs de l’âme adolescente.
Avec ce Calderon justement allégé et compressé pour qu’il ne soit plus une lumière mouvante brillant dans la nuit de l’esprit et de l’Histoire, Christophe Lidon élargit la programmation d’un CADO qui a majoritairement le goût (délicieux) de la comédie mais manquait un peu de la saveur (tout aussi délicieuse, mais moins immédiate) de la philosophie.
“Le désir est une flamme brûlante qui réduit en cendre tout ce qu’elle touche… La femme est un abrégé du ciel… Je ne peux me résoudre à l’idée que l’homme ait été créé pour se soumettre aux étoiles…”
On ne pourra qu’aimer “La Vérité est un songe”, pièce du poète et dramaturge espagnol Pedro Calderon de la Barca écrite en 1635. Elle est ici traduite et adaptée par Michael Stampe et mise en scène par Christophe Lidon. Nouvelle création du CADO donnée ce vendredi en la salle Touchard du Théâtre d’Orléans, cette œuvre à la belle écriture, évoque cruauté et barbarie, souligne peine et lambeaux du cœur, célèbre l’honneur et le pardon et est à merveille servie par sept comédiens.
Conte de fée et de fureur, chant épique et courtois.
Sur le beau plateau dépouillé, ce livre d’aventure ouvert et sacré, tout droit venu du Siècle d’or, ce beau nuancier de présences conjugue conte de fée et de fureur, conte initiatique, presque roman de cape et d’épée, tragédie pimentée d’humour, chant épique et courtois. D’un grand brio est la scénographie envoûtante conjuguant décor manipulé à vue, précieuses lumières allant du clair-obscur à l’or solaire éblouissant, images cinématographiques, bande son ajoutant à la profondeur du songe. Remarquable est notamment Gaël Giraudeau, fragile et lumineux colosse, apportant une âme renversante, un désespoir animal et sauvage à ce Sigismond, fils dont le père, ce roi qui a lu dans les astres qu’il apporterait le malheur à son peuple, l’à fait enfermer dès sa prime enfance dans une caverne loin du trône. Tout cela jusqu’au jour où le roi Basile, reviendra sur sa décision et qu’ainsi fils et père s’affronteront, puis se réconcilieront difficilement avec une profonde et fière reconnaissance l’un envers l’autre.
Une remarquable distribution.
Souverain est aussi Géard Desarthe distribuant avec humanité les différentes questions métaphysiques de cette pièce, longue aventure où les hommes ” rêvent ce qu’ils sont “. Lina El Arabi (Rose passionnée), Valentine Galey (Etoile à la déconcertante fermeté), Frédéric Andrau (Astolphe vif amoureux), Jérôme Anger (Clotalde paternel et protecteur), Dominique Pinon (vibrionnant Clairon), composent eux aussi une compagnie unie et soudée qui offre fluidement un récit tout de charme et de feu, tour à tour piquant et émouvant.