Mémoires d’outre tombe2012 - 2013
Chateaubriand, écrivain adulé, membre de l’Académie Française, Pair de France, est au milieu des livres empilés dans sa bibliothèque. Après trois destitutions et autant de démissions, cet ancien Ministre d’Etat est contraint de vendre sa propriété par adjudication. Pour Chateaubriand, définitivement éloigné du pouvoir, est venu le temps de « se remettre à pieds ».
L’homme est abattu, mais il se redresse de toute sa (petite) taille : 1m63 – « un peu plus petit que Napoléon, mais un peu plus grand que Louis XIV », disait-il. Et quand Chateaubriand se mêle de montrer « l’envers » de l’histoire, nul n’est épargné : l’homme a connu tous les puissants de son temps : Louis XVI, Charles X, Louis XVIII, Napoléon, le Tsar, le Président des Etats-Unis, quelques Papes et autres Talleyrand…
Le « jeu de têtes » est aussi cruel que drôle !” Jean-Luc Tardieu
Jean-Paul Farré
D’après Chateaubriand
Sur une idée de et interprété par Jean-Paul Farré
Conçu et réalisé par Jean-Luc Tardieu
“Ce n’était pas une musique de chambre, mais bien une musique symphonique avec le grand orchestre des mots, dont sa plume disposait.
J’ai envie de partager avec les spectateurs le plaisir charnel de sa prose et la gourmandise de ses phrases assassines, en interprétant sur scène cet homme de lettres hors du commun, qui le premier a inventé et employé le mot « modernité ».”
Jean-Paul Farré
Jean-Paul Farré du côté de Chateaubriand. Il joue avec brio Mémoires d'outre-tombe, un spectacle mis en scène par Jean-Luc Tardieu au Théâtre du Chêne noir, à Avignon. En robe de chambre, pantalon de velours bleu gris et charentaises à carreaux, François-René de Chateaubriand se désole en marchant entre ses piles de livres. Fauché, il est obligé de déménager et de vendre sa chère maison de la Vallée-aux-Loups. Du haut de son 1,63 m, l'écrivain a toujours été un homme d'esprit plutôt que d'argent. Il philosophe: «Il est écrit que rien ne restera.» Amateur de littérature, Jean-Luc Tardieu a imaginé un spectacle à la mesure du grand homme. Sous son scalpel impitoyable, les trente-six mille pages de Mémoires d'outre-tombe sont passées à trente-six ! On pourrait crier au scandale, mais l'opération est réussie et la magie opère dans le décor sans fioritures de Pierre-Yves Leprince. ??Pourtant, le «patient» habillé par Pascale Bordet n'avait pas vraiment le profil. Même avec les cheveux coupés et gominés sur les tempes, Jean-Paul Farré ne ressemble pas du tout à Chateaubriand. On ne peut que saluer la prouesse de l'acteur qui fait tout oublier au gré des souvenirs et des bons mots de celui qui fut pair de France.
Fausse modestie. Regard vif, langue alerte, Jean-Paul Farré s'efface progressivement derrière le poète qui revit une époque révolue. Chateaubriand est bien là. Il évoque son «influence sur l'opinion», les rencontres avec les grands du monde, comme Bonaparte, «un grand magicien», le pape Léon XII, auquel il s'attache car «peu de monde l'aimait» ou Louis Philippe. Il revient aussi sur ses succès, le premier littéraire, avec la publication d'Atala. Faussement modeste, Chateaubriand énumère ses conquêtes et soupire sur l'amour de sa vie: «Il me semble que tout ce que j'ai aimé, je l'ai aimé dans Mme Récamier», confie-t-il. Dans quelques mois, Jean-Paul Farré pourrait bien prolonger le plaisir au Théâtre du Petit Monparnasse, à Paris. Nathalie Simon
Sur une idée de Jean-Paul Farré, admirateur de la langue de Chateaubriand, Jean-Luc Tardieu adapte et met en scène ses Mémoires d’outre-tombe, à la verve polémiste redoutable et drôle.
« J’ai envie de partager avec les spectateurs le plaisir charnel de sa prose et la gourmandise de ses phrases assassines, en interprétant sur scène cet homme de lettres hors du commun », dit Jean-Paul Farré, qui a voulu porter à la scène ce « continent littéraire » que sont les Mémoires d’outre-tombe. Cet ouvrage, où Chateaubriand raconte son enfance, ses voyages et sa vie politique, est marqué par la mélancolie, l’obsession de la fuite du temps, l’amour d’une nature plus rassurante et plus stable que le cœur des hommes et l’impétuosité de leurs agissements. Mais si Chateaubriand a regardé et pensé l’histoire, il a aussi contribué à la faire, et ses fonctions politiques l’ont conduit de ministères en ambassades. Côtoyant les puissants, il en croque les travers et les ridicules avec esprit et férocité. « Quand Chateaubriand se mêle de montrer « l’envers » de l’histoire, les vrais visages se découvrent, y compris le sien. Nul n’est épargné. », dit Jean-Luc Tardieu. Catherine Robert
Jean-Paul Farré, connu comme grand clown musical, se risque à interpréter le vicomte de Chateaubriand !
Parmi des caisses d’objets et de documents à range – soit le bric-à-brac d’un homme qui, à la fin de sa vie, sauve un peu de sa splendeur perdue -, l’écrivain se met à égrener un certain nombre de souvenirs : ses relations orageuses avec Napoléon, sa passion de l’Amérique, son amour des femmes…
Mis en scène par Jean-Luc Tardieu, Farré cherche surtout à faire sonner différemment la prose du grand styliste et à lui rendre l’éclat du journalisme polémique. C’est savoureux à deux étages : Chateaubriand se moque de ses contemporains, et Farré se moque de Chateaubriand quand celui-ci ne sait pas se moquer de lui-même. Sous la prosodie, l’ironie. Bien vu, bien joué. Gilles Costaz
Comédien singulier et inventif, Jean Paul Farré nous offre une occasion rare : (re)visiter cet impressionnant monument de notre littérature adapté par Jean-Luc Tardieu. Dans un décor réaliste et sobre, enveloppé d’une longue robe de chambre, il réussit à incarner de façon saisissante Chateaubriand au soir de sa vie, assez amer d’avoir été obligé d’abandonner la scène politique, désolé de devoir vendre son magnifique domaine et ses livres, mais fier d’être resté fidèle à ses convictions. Il fait résonner cette captivante voix d’outre-tombe, si humaine, à la fois miroir d’une époque troublée, récit d’un destin alternant honneurs et destitutions, médiation d’un moraliste désabusé, expression lyrique des émois d’une âme sensible aux beautés de la nature comme aux charmes de divines enchanteresses. Alain Schetrit
Un Chateaubriand visionnaire
(…) Après la gloire, les déboires. L’écrivain, le diplomate, l’homme de pouvoir, qui a rencontré et connu tant de grands de son époque, rois, empereurs, tsar, président des États-Unis… revisite dans es mémoires la galerie de portraits des puissants de son temps. Pas seulement comme mémorialiste, mais aussi comme un polémiste et un portraitiste redoutable.
Des trois mille six cent pages de ces Mémoires d’outre-tombe, Jean-Luc Tardieu, le concepteur et réalisateur de ce spectacle, interprété avec le brio et l’ironie qu’on lui connaît, par Jean-Paul Farré, qui en a eu l’idée de départ, n’en a conservé que trente-six, soit le centième de cette œuvre monumentale. C’est peu, mais cela suffit amplement pour donner de l’auteur et de l’homme un portrait vivifiant et très original. Il fallait donner aussi au personnage historique de l’écrivain et à son environnement une dimension proprement théâtrale. Le pari est tout à fait réussi et on prend beaucoup de plaisir à ce spectacle. De plus, il a aussi et surtout le mérite de nous révéler une face peu connue de Chateaubriand : celle d’un écrivain visionnaire, annonciateur déjà d’un avenir devenu, bien des décennies plus tard, notre présent : l’Europe – pourra-t-elle trouver son unité ? On est surpris d’entendre Jean-Paul Farré, l’acteur, prêter sa voix à un Chateaubriand prophète de temps à venir : ceux dans lesquels nous vivons désormais. Henri Lépine
Un saut joyeux dans l’Histoire
Des caisses, un paravent, des livres entassés, quelques tableaux… et Jean-Paul Farré fait son apparition sur la scène du théâtre d’Orléans. En chaussons et robe de chambre. Il est Chateaubriand, obligé de quitter « sa vallée aux loups », à vendre. Avec vivacité et malice, Farré/Chateaubriand lève le voile sur sa vie et montre le dessous des cartes. Celui qui a dîné à la table des rois évoque Charles X, Louis XVIII, Bonaparte… Entre bons mots et fresque historique, un petit cours d’histoire savoureux qui donne envie de se replonger dans les 3.600 pages des « Mémoires d’Outre-tombe ».
Julie Poulet-Sevestre - 6/10/2011